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Il y a une confusion entre l’orgueil et l’ego

Echange avec Angelo Foley


Angelo Foley est psychothérapeute, directeur artistique et créateur du podcast et compte Instagram “Balance Ta Peur”. Il est l'auteur de “Les 21 peurs qui empêchent d’aimer” aux éditions Albin Michel (2020)

 

Marie : Une réticence que je rencontre très souvent est liée à la question de l’ego : j’ai l’impression que beaucoup de personnes pensent que la communication personnelle est juste un moyen de faire plaisir à l’ego. Je ressens une grande confusion à ce sujet, qu’en penses-tu ?


Angelo : L’ego est un concept incompris : il y a une confusion entre l’orgueil et l’ego. L’orgueil est une stratégie de l’ego, un écueil, mais ce n’est pas l’ego. Quand on dit que quelqu’un a trop d’ego, ça ne veut rien dire. En termes de psychisme et même de spiritualité, l’ego c’est la personnalité, le véhicule, donc personne ne peut avoir trop d’ego et à contrario, il est impossible de ne pas en avoir. La première couche de l’ego, c’est le corps. L’ego, c’est un outil d’incarnation qui nous permet de nous différencier des huit milliards d’individus.

En termes de psychisme et même de spiritualité, l’ego c’est la personnalité, le véhicule, donc personne ne peut avoir trop d’ego et à contrario, il est impossible de ne pas en avoir.

A un deuxième niveau, il peut y avoir un ego collectif. Par exemple, « on a gagné » même quand on ne joue pas au foot et qu’on n’est pas dans l’équipe de France. L’ego collectif, c’est l’idée qu’il y a un certain nombre de critères environnementaux, sociaux, psychiques, émotionnels qui me définissent, moi ou ma communauté et c’est indispensable pour l’existence humaine qui se base sur l’alternance entre différenciation et identification.

L’ego répond à la question « qui suis-je ? ». C’est un premier moteur pour me définir, définir mes limites et pour ne pas être fondu et dilué dans la masse parce que j’ai fondamentalement besoin de ressentir que je ne suis pas tout le monde. A l’inverse, j’ai besoin d’un deuxième moteur qui est celui du lien social : j’ai besoin d’être un individu à part entière mais je ne veux pas être seul – la solitude est l’une des grandes angoisses existentielles. A des moments, on cherche à s’individuer et à d’autres, on cherche à être dans le collectif.

L’expérience humaine est incarnée et a donc besoin de ces limitations. Tu utilises l’ego pour t’identifier mais aussi être identifiable. Il n’y a pas de vie terrestre sans ego.




M : Et comment faire pour dépasser cette peur d’en avoir trop ou tout court [d’ego] ? Et d’une manière plus générale, comment dépasser cette peur d’être visible ?


A : Quand quelqu’un fait preuve d’orgueil, il nous montre qu’il se dévalorise. Inversement, la dévalorisation est une preuve d’orgueil. Les personnes qui ont peur de s’exprimer se rendent bien compte qu’une part d’elles en a envie. L’expression de soi est aussi conditionnée par énormément d’éléments du passé. Il faut donc se libérer de certaines choses. Mais chaque cas est unique. Quelqu’un peut avoir peur de sortir du lot, et ça peut être dû à une loyauté parentale aussi bien qu’un manque de confiance en soi. Il y a aussi un bénéfice secondaire à ne pas aller au bout et se montrer. Derrière la peur d’émerger, il y a le désir de se concentrer sur ce qu’on veut vraiment. Une question que les gens ne se posent pas assez est : sur le long terme, à quoi me sert de ne pas m’exprimer ? Ce blocage a toujours une fonction. Pour certains, ça sert un projet ou pour d’autres, cette posture peut être utile pour autre chose.



M : Tu travailles beaucoup avec des artistes, en particulier des musiciens, qu’est-ce que ton travail avec eux et dans cette industrie peut nous apporter un éclairage supplémentaire sur la manière de s’exprimer ?


T : Souvent je travaille avec des artistes qui n’arrivent pas à savoir avec qui bosser, sur quel arrangement... Mais en fait, il n’y a pas de problème dans la forme si le fond est vraiment fluide. Dans l’acte créatif, c’est important qu’il y ait cet espèce d’aveuglement pour garder l’intuition et de manière un peu immédiate. Une fois que la personne a découvert le sens, la forme disparaît. Mais comme la création est au départ spontanée, la forme arrive souvent d’abord et c’est ok. Il faut faire des allers-retours, réitérer et revenir pour trouver du sens. La plupart du temps, on ne trouve pas le sens de manière théorique. On part alors de ce qui est créé, puis on lui donne du sens. La quête, ce n’est pas tant le sens, c’est la liberté. Est-ce que une fois libéré, on fait le même choix ?

Pour donner une autre image on peut prendre le cadeau. Le cadeau c’est une intention, une forme et un destinataire. Si on enlève un de ces trois éléments ce n’est plus un cadeau. Mon boulot en quelque sorte c’est de faire les cadeaux : je travaille à ce que chaque dimension soit bien stable. Il faut que ça soit fluide et que ça se transmette vers un public et plus l’écosystème est fluide, plus le public peut à la fois utiliser le cadeau comme outil de projection et se l’approprier.




M : Tu parles de réappropriation, je crois aussi que l’expression de soi est un moyen d’aller vers les autres et de toucher à l’universel. Pour autant le lien entre “les autres” et soi n’est pas toujours évident. Comment concilier les autres et soi ? Et faut-il nécessairement parler de soi pour se réaliser ?


A : L’avenir du développement personnel est dans l’épanouissement collectif. Quand on est bien seul, on a l’air un peu con. Ce qui me dérange dans le développement personnel c’est que ce n’est que la moitié du chemin. N’importe quelle histoire montre un héros qui quitte son lieu d’origine pour s’en libérer, rencontrer sa part d’ombre, vivre des épreuves et revenir de là où il vient pour transmettre ce qu’il a opéré, pour que la communauté puisse évoluer avec lui. S’arrêter au développement personnel revient à s’arrêter au milieu du chemin. La survie de l’espèce humaine tient au collectif. C’est impossible d’évoluer seul.

Le développement personnel ne peut se faire qu’avec les autres et aussi pour les autres

Le développement personnel ne peut se faire qu’avec les autres et aussi pour les autres. On en revient aux deux moteurs et l’un ne va pas sans l’autre. Il faut polir les diamants que nous sommes, voir leur valeur, mais aussi l’éprouver dans les relations, dans le collectif.



Merci Angelo !


site web : angelofoley.com

instagram : @balancetapeur


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