Echange avec Dimitri Farber
Co-fondateur de Tiller Systems, Dimitri Farber a rejoint en 2019 la liste convoitée des 30 under 30 de Forbes, recensant chaque année 30 jeunes entrepreneurs talentueux. En 6 ans, Tiller Systems est devenu le leader français de la caisse enregistreuse, a conquis 8000 clients, levé 12 millions en série B en 2018, compte désormais plus de 100 collaborateurs dans 3 pays différents et connaît une croissance de 50% par an.
Marie : Tu es aujourd’hui très visible et tu es en quelque sorte le visage de Tiller, est-ce que c’est une stratégie que vous avez mise en place tout de suite ?
Dimitri : Pas du tout, au début ça a commencé quand il fallait pitcher Tiller : c’était notre troisième associé de l’époque qui avait ce rôle, il était plutôt bon là-dessus mais il est parti rapidement et je savais que mon autre associé n’aimait pas trop parler en public. De mon côté j’aimais bien ça et je parlais bien anglais, donc ça s’est fait de manière assez organique et ça a commencé comme ça, sans trop y penser. Et puis on a décidé entre nous que j’allais endosser le rôle de représentation externe tandis que Josef [Bovet - son associé] a choisi d’incarner la startup en interne. Pour nous, une seule personne pouvait représenter l’entreprise à l’extérieur, c’est important pour la lisibilité. L’objectif établi était que je sois le point de contact externe bien identifié. Mais pour nous on faisait de la com Tiller, on n’a jamais pensé en termes de personal branding.
M : Et est-ce que ça a évolué ?
D : On a mis deux ans à comprendre que toute communication autour de moi a un impact positif sur la boîte. Avant on faisait seulement de la communication uniquement sur Tiller, on intervenait pas du tout sur l’expérience entrepreneuriale ou d’autres sujets annexes par exemple. Depuis on a convenu que j’allais à la fois symboliser la marque et des sujets sans liens directs avec la startup : l’essentiel est de faire parler de moi pour faire parler la boîte. Du coup, ma communication devient parfois plus personnelle que professionnelle – comme pour le classement 30 under 30 de Forbes.
Je l’ai pas fait pour moi-mais ça parle de moi, et au final c’est bon pour Tiller aussi.
M : Et aujourd’hui ça te prend combien de temps le personal branding ?
D : Je passe aujourd’hui 20 à 30% de mon temps entre la presse, le branding, la communication et les relations avec l’écosystème. Depuis 6 mois, on travaille sur les solutions de paiement et comme je représente le sujet, j’ai dû consacrer en moyenne un jour par semaine à la communication en plus des sujets de com habituels, donc en ce moment j’y passe beaucoup de temps. Mais je suis aussi aidé par mon équipe, par exemple c’est moi qui propose des tribunes libres qui seront ensuite préparées par l’équipe.
M : Est-ce que tu vois les retombées du personal branding, sur quoi ça t’aide le plus ?
D : On n’est pas là pour être visible, on est là pour être efficace. Communiquer sur une levée de fonds en tant que tel ça sert à rien. Mais si on s’en sert pour recruter, attirer de futurs investisseurs, rendre l’équipe fière... ça a du sens. Il ne faut communiquer que si ça a un impact sur la boîte.
Ce qui m’intéresse c’est que Tiller marche. Je n’ai pas besoin d’être sur Instagram et de raconter ma vie. Je connais un pote pour qui la stratégie c’est d’être ultra ultra visible, moi non.
Ma communication est adaptée à mon objectif.
Je ne fais pas de communication personnelle, j’ai assez de mal personnellement à le faire mais je comprends l’intérêt si derrière il y a un objectif. Tant que je sais que c’est pour Tiller ça me motive. Je ne sais pas si c’est du personal branding mais je suis visible pour des sujets directs et indirects pour Tiller, tant que ça a du sens et que je vois l’intérêt pour la boite. Et ça peut être très efficace, ça nous est déjà arrivé d’avoir de nouveaux clients après un plateau télé, les restaurateurs nous disent « on t’a vu sur BFM, t’as une bonne tête, on a envie de signer avec vous » c’est aussi simple que ça.
M : Quel est ton meilleur levier marketing ?
D : Pour Tiller le meilleur levier marketing c’est le parrainage. On n’a plus d’équipe marketing, on a une équipe communication qui réalise du branding, de la communication interne et externe, et une équipe acquisition qui gère les leads, c’est-à-dire des clients qui nous réfèrent d’autres clients. Sinon, on fait du marketing local et ciblé. Le parrainage en BtoB ça n’a que des avantages, ça fait des clients plus fidèles.
M : On en revient au rapport humain, et individuel.
Je constate un biais énorme en startup, celui de s’intéresser au « why » (le fameux Why de Simon Sinek) et de mettre de côté le « Who », je suis pour ma part persuadée que le « qui » est au moins aussi important que le « pourquoi » et qu’il est trop souvent négligé. On se connait depuis le début de ton aventure Tiller et je crois savoir que pour vous ce n’était pas le « why » justement qui vous a poussé à entreprendre et que vous êtes en revanche très exigeants sur les gens avec qui vous travaillez. Je pense que c’est un exemple qui peut inspirer aussi d’autres personnes et les décomplexer, est-ce que tu peux m’en parler ?
D : Lorsque je compare les boîtes qui fonctionnent ou ne fonctionnent pas, c’est les gens avec lesquels on s’associe ou que l’on embauche, qui font la différence.
Et on ne s’en cache pas, au démarrage, on s’est moins posé la question du “pourquoi” que celle de « se marrer au quotidien ».
On vend des caisses enregistreuses pour gagner de l’argent et travailler entre potes. Notre projet ne découle pas uniquement de valeurs, notre impulsion est de fait issue de personnes, à l’origine des potes et désormais ceux qui incarnent la culture Tiller. En termes de valeurs, on a toujours essayé d’avoir des valeurs un peu « pirate » et l’une des questions qu’on pose en entretien c’est par exemple « J’ai besoin d’un pain au chocolat et tu es à la boulangerie. Il y a 10 personnes devant toi mais un seul pain au chocolat, que fais-tu ? ». On cherche à détecter des comportements, réflexes ou réflexions qui apporteront de la valeur pour la boite dans le futur.
Les « first twenty » c’était un groupe de potes. Après, il s’est dilué. Au début, il s’agit d’un cercle humain. En s’élargissant, il devient un cercle de valeurs.
Il faut aller chercher des gens dans le grand cercle : pas dans le petit cercle mais pas trop éloignés non plus. Il faut éviter les extrêmes : dans un cas la culture s’évapore, dans l’autre, on coupe toute source d’innovation et de réflexion si tout le monde se ressemble. Le processus hyper strict de recrutement initial permet d’étendre naturellement la culture de Tiller Systems. Pour moi, s’il y a un doute, il n’y a pas de doute.
Merci Dimitri !
site web : www.tillersystems.com
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