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Il faut comprendre que tu ne peux pas plaire à tout le monde


Echange avec Nicolas Galita


Nicolas Galita est formateur de recruteurs à L’École du Recrutement et blogger. Il a à ce jour tenu plus de trois blogs : “Dessines-Toi un Emploi”, “Dépenser. Repenser” et “Link Humans”. Dans sa newsletter personnelle, l’Atelier Galita, il envoie quotidiennement des articles traitant de sujets, intemporels, liés ou non au recrutement, à ses abonnés.

J’ai rencontré Nicolas en 2017, lors du TEDxISTEC où nous étions tous les deux intervenants. Depuis nous suivons nos parcours à distance et cette interview était l’occasion d’échanger sur la vision de Nicolas sur les nouveaux modes de recrutement, mais aussi comment se rendre visible et se mettre en avant.


 

Marie : Tu as une vision singulière du métier de recruteur : est-ce que tu peux revenir sur ta vision et ses implications - à la fois pour les candidats et pour les entreprises ?


Nicolas : Notre credo, c’est que le recrutement est un métier, distinct de celui des RH et il attire des personnes très différentes. Quand tu es RH, ton rôle c’est d’être en conformité, du côté du patron. Tu n’attends pas de quelqu’un qui gère la paie qu’il soit innovant. Par contre, pour le recrutement c’est différent. C’est rare d’avoir quelqu’un qui sache faire les deux. C’est comme ça qu’on est arrivé à créer l’École du Recrutement. J’enseigne à mes élèves, qui sont recruteurs et recruteuses, le recrutement ainsi que le développement personnel – c’est-à-dire, comment faire pour être un bon individu aligné avec soi-même.

Je leur montre que chaque boite a une culture et une personnalité. Et cette culture permet d’avoir une véritable honnêteté ainsi qu’une éthique pour innover.

Tout le monde répète la même chose mais, il faut comprendre que la culture d’une entreprise est basée sur un cadran de valeurs clivantes. Carrefour affiche n’importe quoi sur son site mais ses vraies valeurs sont très familiales. Il n’y a pas de culture d’entreprise meilleure qu’une autre. Mais la première étape, c’est de prendre conscience de qui on est et d’arrêter de croire qu’il y a un savoir être générique. Pour moi ça ne veut rien dire. Ensuite, c’est primordial de trouver quelqu’un en adéquation avec ce que la boite est.



M : La réforme de la formation, le recrutement par les réseaux sociaux, est-ce que tu vois une évolution ou une révolution dans les manières de recruter - et donc pour les candidats de prendre en main leur carrière et se mettre en avant ?


N : Très peu de choses changent.

Il y a un biais qui consiste à dire que les choses changent pour pas dire qu’on faisait mal les choses.

Les prémices de l’entretien structuré datent de la 2nde Guerre Mondiale, ce n’est pas nouveau, c’était juste mal fait. La technologie rend de nouvelles choses possibles mais tout est basé sur une conversation et il y a malheureusement trop de monologues. Ce qui change c’est qu’avant, les monologues n’étaient pas punis. Par exemple : une entreprise qui vire une caissière parce qu’elle a utilisé les réductions, aujourd’hui les réseaux sociaux se révoltent et donc elle est ré-embauchée. Ça arrivait déjà en 98 alors qu’il n’y avait pas les réseaux sociaux, les gens n’en pensaient pas moins mais ils n’avaient pas de pouvoir de résonance. Ce qui change, c’est que les gens parlent et qu’ils ont un porte-voix. J’ai vu émerger une parole plus distribuée. Tu as une voix et un porte-voix au travers des plateformes. J’ai plus besoin de personnes. Et donc les entreprises sont plus incitées à mieux se comporter. Les RH sont mal équipés car ils n’ont pas l’habitude d’avoir des gens qui leur parlent en direct.

Il faut aussi faire attention à ne pas généraliser une aspiration de bobos : la pyramide de Maslow montre que tu cherches l’épanouissement parce que tu peux te permettre de te poser la question. En Guadeloupe, il y a 50% de chômage, les jeunes veulent un taf. Point. Et quand j’entends qu’aujourd’hui les gens recherchent l’épanouissement, j’ai du mal à penser qu’hier ils cherchaient le mal-être.



M : A titre personnel tu prends beaucoup la parole, non seulement tu parles de toi mais tu mets aussi beaucoup de toi dans ta com. Tu as partagé récemment sur LinkedIn les effets négatifs de la visibilité et de la prise de parole avec des opinions qui dérangent. Comment tu gères ça ?


N : A la base le plan, c’était de faire un revenu passif grâce aux contenus de « Dessine-Toi un Emploi ». C’est pour ça que j’ai commencé à écrire. Et j’ai tellement aimé ça que j’ai fini par switcher pour lancer mon Medium [plateforme de blogging] dans lequel je parle de ce que je veux : végétarisme, monogamie… , pas seulement de recrutement. Et ça m’a valu l’enfer. Des gens ont été jusqu’à appeler mon patron pour me faire virer et j’ai arrêté d’écrire pendant un moment. J’ai eu du mal à conscientiser que c’était pour ça. J’ai eu une panne d’écriture d’environ 8 mois après et le truc s’est débloqué quand j’ai compris d’où ça venait. J’ai repris l’écriture au moment du scandale du black face du Slip Français. J’avais tellement de rage que je me suis senti obligé d’écrire à nouveau. Mais j’ai changé de canal.

Je suis ensuite tombé sur Substack et j’ai lâché WordPress - déjà parce que c’était moche et ça a vraiment fait la différence. Mais aussi parce que la différence entre Medium et Substack c’est que Substack fait mail et article à la fois, et seuls tes abonnés peuvent commenter.

Ma démarche aujourd’hui se base sur la théorie des 1000 fans. Quelqu’un qui te lit tous les jours à 9h, c’est un fan, c’est un espace clos et protégé. Sur les 2500 personnes qui me suivent, j’ai 80 personnes qui paient et eux peuvent commenter.

Écrire un blog, écrire tous les jours a changé ma vie. Et Substack m’a obligé à avoir de la régularité. Tu t’habitue et tu habitues tes abonnés à un rendez-vous avec une newsletter et écrire tous les jours.

Faire de la quantité crée la qualité.

Je n’essaie pas de faire un article meilleur que les autres, mais meilleur que ce que j’ai écrit la veille. Après bien sûr parfois j’écris 10 articles d’un coup, comme ça, j’essaie d’avoir un mois d’avance quand je suis en galère.



M : Le revers de l’exposition est assez violent. Est-ce que pour toi c’est inhérent au contenu que tu partages ou au canal ?


N : Je pense qu’on sous-estime les conséquences négatives de l’exposition. Les gens sont violents et donc si tu exposes ce que tu es, ça va forcément déranger. Il faut comprendre que tu ne peux pas plaire à tout le monde. Si tu parles, tu vas forcément l’expérimenter, les gens vont te renvoyer ce que tu leur envoie. Étonnement, j’ai reçu plus de réactions négatives sur des sujets futiles comme « le recrutement n’est pas RH ». J’ai eu moins de violence pour : « pourquoi la religion devrait être interdite » par exemple.


Je ne tombe pas dans le piège de « les gens sont jaloux », parfois moi aussi je suis le hater, « all lives matter » ça me fait péter des câbles. C’est aussi faux de penser que Twitter a inventé la violence. Ma mère est une personne adorable, mais en voiture ce n’est pas la même. Quand tu changes de contexte, tu changes de personnalité. Il faut bien prendre conscience que ça peut être aussi toi le hater et intégrer que les autres ne sont pas “bêtes”. Je m’oblige à comprendre qu’il y a des gens très intelligents qui n’ont pas le même set de valeurs que moi, ils ne sont ni bêtes, ni en train de faire semblant.

Tu ne t’habitues jamais à l’idée que les gens te détestent pour qui tu es mais c’est le prix à payer.

Pour plaire à tout le monde, il faut être tiède et ce n’est pas que tu plais à tout le monde, c’est que tu ne déplais à personne.

Il y a des phases pendant lesquels j’en ai eu vraiment marre et ça a des conséquences sur ma vie personnelle. Le prix que tu paies pour t’exposer est très dur et c’est aussi difficile de faire la différence entre le narcissisme et le partage. Est-ce que t’écris parce que tu flattes ton ego ? Évidemment, j’écris pour être vu, il faut arrêter de dire « je ne le fais pas pour moi », mais ce n’est pas non plus « être vu pour être vu ».



M : Et est-ce que le calcul coût-avantage est bon pour toi ? Quel bilan tu tires de ces différents modes d’écriture et de cette visibilité ?


N : Déjà, ça m’a amené là où je suis. Au début, je n’avais que 40 vues par semaine, et même là ça avait déjà un impact. Je suis arrivé à l’École du Recrutement parce que j’écrivais, j’ai pris un verre avec son fondateur parce que je bloguais. Depuis on m’a demandé de faire des conférences, des interviews. Mon bilan est archi-positif : le personal branding m’a permis de gagner plus d’argent – grâce au gain de crédibilité ou à la monétisation – et ça m’a permis de découvrir qui je suis au contact des autres. Enfin, ça donne du sens à ma vie.

Je dois tout à l’exposition. Une fois que tu t’es déjà exposé, tu n’as plus peur.

Les gens savent que je suis poly, végétarien, que je ne veux pas d’enfant et que je suis anti-religion. Une fois que tu as tout balancé, c’est plus dur de t’atteindre, ça te permet de devenir « anti-fragile ». Mais parfois les gens s’en prennent à tes proches. Quelqu’un écrivait par exemple des SMS anonymes à ma copine de l’époque.

Il faut accepter que la démocratie, c’est le conflit. Un endroit où tout le monde ferme sa gueule, c’est une dictature. Il n’y a pas de parole honnête qui ne dérange pas. Dès que tu dis vraiment ce que tu penses, ça va faire chier des gens. Mais tu reçois aussi beaucoup d’amour et tout l’amour, tu sais qu’il est vrai.



M : Les dangers de la visibilité peuvent pousser à mettre en avant un personnage plutôt qu’à se mouiller personnellement, est-ce que c’est une question que tu t’es déjà posée. Comment tu gères l’évolution de ton discours au fur et à mesure que ta communauté grandit aussi ?


N : Mon personnage c’est un narrateur, je raconte un truc qui a un intérêt et je sais que mon personnage est proche de ce que je suis.

Le public te pousse à faire des trucs mainstream, c’est à toi de montrer aux gens qui tu es et c’est aussi à toi de te montrer qui tu es. Un des trucs que j’ai appliqués pour assurer de conserver mon identité dans mon travail, c’est d’avoir un swipe file. Dans un grand pot, j’ai plein d’idées et c’est de là que je sors ce que j’écris. Pour publier en gardant la magie du début, j’applique trois principes.

  • D’abord, je considère que la radicalité, ce n’est pas la provocation, donc je pense ce que je dis.

  • Ensuite, il faut que j’aie un truc à enseigner si je dis quelque chose.

  • Enfin, j’écoute le feedback et je suis prêt à changer d’avis, je l’ai d’ailleurs fait plusieurs fois – je suis athée mais j’étais chrétien avant. Et tu peux faire tout ça en restant éthique, et en restant toi-même.



Merci Nicolas !


la newsletter de Nicolas : www.ateliergalita.com



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